jeudi 10 juillet 2014

La croissance est morte ? Vive la décroissance !

Alors que la crise augmente en intensité et en déclarations diverses, les politiques de tous bords nous présentent leurs solutions miracles pour relancer la croissance. C’est l’objectif dont le bien-fondé ne se discute pas, c’est le postulat de base, l’évidence des évidences…

Et même si les projections européennes de croissance oscillent entre 0,1% et 1% pour les plus optimistes soufflant pieusement sur les braises du feu éteint, aucun n’émet l’hypothèse iconoclaste que la croissance n’existe plus, et qu’elle pourrait avoir bel et bien disparue.   

C’est parce que le moteur du modèle occidental dans lequel nous vivons depuis plusieurs générations est basé sur la croissance. Elle a forgé nos consciences, bercé nos rêves, structuré nos raisonnements et fait désormais partie de notre ADN… L’idée qu’elle puisse disparaître un jour est à ce point inconcevable, blasphématoire, et du domaine de la science-fiction, que seules quelques voix osent évoquer la possibilité d’un monde dans lequel la croissance ne serait plus. 

Car les conséquences de sa disparition, sont non seulement économiques et sociales, mais elles sont surtout plus profondes et touchent aux principes mêmes de notre civilisation, à sa logique et à ses fondements philosophiques… Si la croissance s’évapore, ce sont nos certitudes qui sont ébranlées, notre vision du futur qui change, nos espoirs de bonheur et d’amélioration qui s’évanouissent… Comment pourrions-nous être heureux dans un monde sans croissance ? L'immense majorité de la population ne sait plus répondre à cette angoissante question.

Alors, pour ne surtout pas remettre en question le paradigme de la croissance infinie, les responsables politiques et les acteurs de l'économie ont préféré laisser le crédit exploser, émettre de la monnaie depuis les Banques Centrales afin de maintenir sous perfusion l’économie en y injectant son carburant favori : l’argent.

Force est de constater que ça a bien fonctionné durant des décennies. Mais ce faisant, ils ont "donné les clefs du camion" à la finance qui a prospéré car nous avions besoin d’elle pour maquiller l’évidence, et ne pas abandonner ce qui nous apparaît toujours comme une intangible et sainte vérité…

Dans certains cas, c’est la dette privé qui a compensé le manque de création de valeur et artificiellement soutenu la consommation des ménages comme aux USA, dans d’autres, ce sont les gouvernements eux-mêmes qui ont emprunté au-delà du raisonnable afin de redistribuer de quoi consommer et alimenter la machine, désormais condamnée à la croissance pour rembourser. Or cette croissance n'existe plus, et chaque dollar goulûment absorbé par les dispositifs  ne produit plus suffisamment de valeur (cf graphe ci-contre).

Était-il possible de changer les choses avant d’être piégé dans le cercle vicieux de la dette sans fin ? Était il envisageable de demander aux populations de radicalement changer leurs comportements d’achat, et surtout de renoncer à leurs rêves ? Bien sûr que non ! Car personne n’aurait été élu sur un tel programme.

Alors que la planète incrédule observe les dispositifs dangereusement vaciller, et pour certains s’effondrer, l’heure n’est plus vraiment à la critique du dogme et de ses conséquences bonnes ou mauvaises. Après tout, le  « modèle croissant » a permis de vivre ensemble dans un relatif bonheur durant plusieurs décennies autour d’idées simples, normalisées et largement partagées, c’est peut-être là l’essentiel...

L’objet n’est pas non plus de conspuer le crédit facile, la finance internationale, les technocrates, ou bien de désigner un coupable expiatoire à tout ceci, car nous sommes tous responsables de ce qui arrive. Oui, nous sommes tous définitivement responsables de notre difficulté à imaginer autre chose, et de notre incapacité à sortir de la croissance en tant que théorie politique.

Aujourd’hui, l’usine à rêve est grippée et menace d’exploser. Elle est sous assistance respiratoire, elle ne produit plus grand-chose pour la majorité, condamnée à regarder quelques privilégiés profiter encore des attributs de la réussite qui s’étalent ostensiblement sur des affiches quatre par trois ou dans les magazines fashion. L’écart entre le réel et le « rêve croissant » se creuse jour après jour…

Un peu partout dans le monde, certains expliquent que l’unité de mesure de la réussite d’une civilisation devrait aussi celle des individus qui la compose. Au lieu de cela le PIB est devenu la nouvelle aune planétaire, soumise à l’approbation dédaigneuse d’agences privées partiellement financées par les banques. Pourtant, le PIB ne mesure pas les dégâts sur l’environnement, le revenu moyen par habitant, le bien-être, le niveau d’éducation, la sécurité ou le degré de liberté…

Alors que faire ?

L’histoire de l’humanité nous apprend que des civilisations beaucoup moins globales et planétaires que la notre, n’ont pas su se remettre en question à temps, et ont disparu du fait de leur inadaptation. Cela laisse peu d’espoir pour un sursaut salvateur compte tenu du gigantisme des chaînes de commandement que nous avons généré, et qui n’ont aucun intérêt à se tirer une balle dans le pied tant que leurs salaires sont encore versés. Notre capacité de réforme structurelle est très faible…

Si la réforme éclairée n’est pas possible, certains seront alors tentés de rejoindre ceux qui prônent une révolution encapuchonnée depuis longtemps. Mais il n’y a que dans l’imagerie populaire qu’une révolution peut être conduite par une minorité de gueux armés de lance-pierre. Ils ne feront jamais basculer la majorité qui a depuis longtemps décroché d’une quelconque réflexion politique, ou d’une quelconque capacité à faire autre chose qu’appuyer sur les boutons de la télécommande de leur TV ou bien se ruer sur les soldes… Et puis, comment vivre ensemble après ça ?

Que nous reste t-il alors, si ni l’évolution ni la révolution ne sont possibles ?

Difficile à prévoir, mais il reste peut-être une "troisième voie" car le modèle croissant va vraisemblablement continuer à s’essouffler, faute de moyens pérennes. Il va progressivement s’asphyxier tout seul en l’absence de consommateurs, tel un poisson rouge hors de son bocal. Le phénomène est déjà à l’œuvre en Europe et aux USA où la fin des crédits faciles, l’évaporation de l’épargne des ménages, la délocalisation des usines, la réduction des aides de l’état et l’explosion du chômage conduisent à une dé-consommation forcée.

A moyen terme, le modèle croissant moribond, va vraisemblablement laisser place à un modèle décroissant contraint, car les gens n’auront pas le choix… Cette révolution par défaut, n’a rien d’épique, de réfléchi ou de voulu (bien évidemment). Mais elle s’impose à la majorité, elle va s’installer dans nos vies pour transformer le modèle de manière sectorielle et locale. Des pans entiers de l'industrie, des métiers, des services ont déjà disparus ou vont disparaître, des régions industrielles, des zones géographiques, des quartiers en feront les frais...

Ne nous y trompons pas : ce n’est pas la décroissance en tant que théorie politique minoritaire qui est à l’œuvre aujourd’hui, c’est la décroissance en tant que force universelle. Ce papier n’a rien de militant (ou de politique), il tente simplement de considérer d’un point de vue systémique le phénomène de décroissance, aussi implacable dans sa logique, que l’était la croissance durant plusieurs siècles. Il suffit de regarder la tendance de la croissance depuis les années 1960:



Si l’on admet que la nature s’inscrit dans des cycles de croissance et de décroissance, de création et de destruction, de courbes ascendantes et descendantes, alors on peut aisément imaginer que notre modèle économique ne peut pas être croissant indéfiniment, ne serait-ce que parce que nous vivons dans un monde où les ressources naturelles sont limitées et non renouvelables (Voir à ce propos les travaux de Nicholas Georgescu-Roegen et le concept de bioéconomie - Voir aussi note en bas de page). Et il n'est pas établi non plus que  la découverte de nouvelles énergies, et / ou de nouvelles technologies pourraient  retarder l’avènement naturel de la  décroissance, et indéfiniment prolonger notre fragile apogée tant elle coûte cher en ressources et en gaspillages divers

Si les politiques n’anticipent pas les phénomènes de chômage et de paupérisation déjà l’œuvre, le risque global est très important. Si aucune alternative durable au modèle croissant ne se met progressivement en place pour absorber les milliers, les centaines de milliers puis les millions de personnes qui vont être expurgées des dispositifs d’aide, alors nous risquons de faire face à des situations qui pourraient être dramatiques.

Nous constatons déjà les conséquences de l’arrivée non préparée de la décroissance et de la désurbanisation en Grèce… Le modèle planétaire ne fonctionne plus là bas, et ne permet plus d'honorer les échéances depuis longtemps. On s’acharne pourtant à le sauver, quel qu’en soit le coût, en affectant l'intégralité des aides BCE au remboursement de la dette,  qui génère elle-même une nouvelle dette ! La Grèce ne produisant rien qui puisse lui permettre de rembourser quoi que ce soit, on diffère l'issue fatale et on augmente potentiellement l'onde de choc. Quant à l'avenir...

Dans un monde idéal, il faudrait éviter que la décroissance ne s’impose à nous comme une force destructrice et incontrôlée. Il faudrait construire de nouvelles alternatives, anticiper un changement de modèle progressif sans avoir la prétention de tout refaire du sol au plafond en voulant régler la question en un jour…

Malheureusement, ce monde des bisounours n’existe pas, et on élit toujours les leaders qui affirment détenir une solution globale pour aujourd'hui. Quel leader se ferait élire en osant avouer qu’il n’a pas la solution dans l'immédiat, mais que collectivement il sait que nous pouvons la trouver demain ? Quel homme politique pourrait se faire élire en expliquant qu’il va falloir inventer localement et explorer, tout en remettant en question nos certitudes les plus essentielles et la branche sur laquelle il est assis ?

La décroissance risque encore de s’imposer avec force et violence, car nous semblons préférer tous les remèdes, mêmes les pires, plutôt que de remettre en question le dogme. « Une bonne guerre » pour tout casser et ensuite tout reconstruire à l’identique, diront certains… Cette alternative préférée de l’histoire, traduit effectivement notre triste incapacité collective à sortir des schémas, et à sans cesse reproduire les mêmes erreurs.

Aujourd’hui, nous sommes face à une situation qui implique une adaptation de notre part,  une remise en question constructive et progressive... Nous devons nous adapter au changement de cycle, nous devons tenir compte du fait que la croissance ne permet plus  de vivre ensemble, et que la décroissance non préparée risque de s’imposer un peu partout dans le monde qu'on le veuille ou non.

Il ne s’agit pas d’une certitude absolue, mais plutôt d’une intuition. Celle qu’il est encore temps de coordonner les modèles croissant et décroissant, de favoriser une transition d’un monde, où certains problèmes peuvent encore être réglés globalement, vers un monde résilient où des solutions apparaissent, ou apparaîtront localement au niveau des individus... Il serait peut-être utile (et peu coûteux) de faciliter dès aujourd'hui la mise en oeuvre des initiatives locales, de mettre en place une fiscalité rurale incitative, de déployer une nouvelle architecture politique moins centralisée et plus adaptée aux enjeux de demain. Mais je ne vois nulle trace de telles propositions sacrilèges dans les discours politiques...
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Note: Nicholas Georgescu-Roegen : économiste mathématicien en marge de la pensée économique dominante, a fondé sa pensée sur la thermodynamique, notamment sur sa seconde loi, l'entropie, ou loi de dissipation. Il s'est beaucoup inspiré de la théorie de l'évolution de Darwin, décrivant le développement de la technologie comme le prolongement de l'évolution biologique de l'espèce humaine. Ceci l'amènera à créer le concept de bioéconomie. La prise en compte de l'entropie implique que l'économie doit être vue comme un système biologique, avec les contraintes qui affectent tout système vivant. Georgescu-Roegen démontre avec la rigueur du mathématicien que la recherche d'un état stationnaire pour l'économie actuelle n'est pas soutenable. La seule issue - conclusion qui n'est pas facile à entendre - est la décroissance. Georgescu-Roegen est sans appel: le système économique du 19è siècle dans lequel nous vivons aujourd'hui est une fiction qui est vouée à s'écrouler. Source 

mercredi 11 juin 2014

L'édito de Charles SANNAT, "Le Contrarien Matin"

C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai découvert l'édito de ce jour sur le blog de Charles Sannat : "Le Contrarien Matin".

Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, Charles Sannat décortique quotidiennement au gré de ses humeurs l'actualité et apporte un éclairage assez décapant sur le monde qui nous entoure.

C'est souvent très drôle, pertinent et rejoint quelques thèmes abordés de manière romancée dans "Vicilisation - La Chute" (le déclin du consumérisme, la perte des repères, l'inévitable "décroissance", les solutions de vie pour le monde post-industriel, l'architecture, le modèle social de demain, les circuits courts...etc).

C'est sans doute la raison pour laquelle Charles Sannat a intitulé sa chronique d'aujourd'hui: "De la Civilisation à la Vicilisation!", faisant référence au roman de votre serviteur. Bonne lecture à tous...

" Vicilisation - La Chute" Edito de Charles Sannat

Edit 30/03: Retrouvez Charles Sannat sur http://insolentiae.com/

lundi 2 juin 2014

L'avis des lecteurs...

 
"On a tout simplement envie de lire la suite et de tourner chaque page ! J’ai passé un bon moment de lecture et cet ouvrage doit nous amener à nous poser quelques questions de fond, en tout cas il peut sans conteste servir de support à une réflexion beaucoup plus large sur notre modèle de civilisation".

"Un roman qui fait réfléchir est une denrée rare, de même qu’un roman de SF qui parvient à innover, ce qui n’est plus si courant." Lire la suite...
"Une très bonne lecture, un livre et un auteur à découvrir sans hésitation !" Lire la suite...
"La principale force du livre est de décrire un modèle intelligent, crédible, mais surtout humain." Lire la suite...
"Ce roman est captivant du début à la fin, je me suis régalée" Lire la suite...
" J'ai adoré" Lire la suite...

"Un récit palpitant qui se lit très facilement." Lire la suite...
"Un très beau premier essai littéraire de Chris Antone" Lire la suite...
"La chute du monde moderne comme si vous y étiez..." Lire la suite...

mercredi 19 février 2014

Article sur Vicilisation dans Try Me Luxury

Article Vicilisation dans TRY ME
Le magazine TRY ME s’est associé au projet Bookstory et présente le roman Vicilisation - La Chute cette semaine.

vendredi 29 novembre 2013

Globalisation ou relocalisation ?

La mondialisation implique une course sans fin aux coûts les plus bas. La globalisation des marchés accroît la concurrence, exacerbe les disparités compétitives géographiques, et fait fondre les marges, donc à terme, les emplois des zones moins compétitives.

A quoi bon chercher à produire des biens moins chers à l’autre bout de la planète, si personne ne peut plus les acheter, même à crédit ? (Sans compter les impacts en terme d'acheminement)

Une analyse intéressante nous est livrée dans «The price of inequality» (aux éditions Norton ) par Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie sur les effets de la mondialisation.

Les remèdes préconisés semblent plus interventionnistes, monétaires et étatiques. Mais lorsque l’on demande à un économiste de proposer des solutions pour demain, il ne faut pas s'étonner d'obtenir des réponses mécanistes et systémiques et, le plus souvent, orthodoxes...

Alors soyons iconoclastes, et lançons une idée folle : si la concentration de la production de ces 50 dernières années a finalement conduit à inexorablement détruire de la valeur et des emplois, que se passerait-il si les gouvernements favorisaient la déconcentration et la relocalisation vers lieux de production plus atomisés sur le territoire national ?

Que se passerait-il si, un arsenal légal, fiscal, juridique permettait de stimuler la création, non pas de concentrations industrielles recherchant l'optimisation maximale pour survivre, mais au contraire de sites de production volontairement « redondants », régionaux, délivrant localement les biens manufacturés sur place ?

lundi 14 octobre 2013

Quand les subprimes et le futur krach obligataire nous inspirent...


Ce fut une onde de choc. Elle arriva d’abord des USA en 2008 et enfin de toutes les directions, depuis toutes les places mondiales. S’entrelaçant en vagues complexes, répercutant et amplifiant des phénomènes anodins, rasant des millions emplois d’un revers de la main, expropriant des familles et détruisant les espoirs d’avenir.

Le grand public incrédule découvrit alors pour la première fois les conséquences de décennies d’abus financiers, l’explosion des subprimes et l’endettement à peine concevable de la plupart des pays modernes vivant à crédit afin de prolonger l’illusion du modèle planétaire jusqu’aux prochaines élections.

Pour l’homme de la rue, encore bercé aux illusions d’une glorieuse croissance sans fin, la prise de conscience fut rude et peut-être salutaire pour certains . Elle marque sans doute un tournant dans l’appréhension de notre avenir. Une sorte d’électrochoc, capable de faire évoluer les perceptions et de faire bouger les lignes, car une onde de choc précède toujours une explosion. Peut-être celle du modèle néo-libéral et du paradigme  d'une modernité sans limite ?

Cette révélation fut le déclencheur de l’écriture de « Vicilisation – La Chute », avec l’envie d’explorer de manière romanesque et ludique l’hypothèse d’une aggravation de la crise mondiale actuelle en suivant les aventures d’un jeune architecte emporté dans le tourbillon d’une explosion économique et sociale.  C'est peut-être la fin du monde tel que nous le connaissons, mais ce n'est pas la fin du monde pour autant...

jeudi 17 janvier 2013

"Vicilisation - La Chute" gagnant du concours littéraire Book Story !!

"Vicilisation - La Chute" vient de remporter le concours littéraire organisé par BookStory, première plateforme de social reading en France. 

Le roman est désormais disponible en téléchargement au format ebook chez Bookstory qui innove dans son approche en permettant non seulement aux internautes d'échanger des avis et de dialoguer avec l'auteur, mais aussi de proposer les romans plébiscités par les lecteurs aux maisons d'éditions "classiques".

Les 10 premiers exemplaires en téléchargement sont gratuits !!!

Alors cliquez vite sur ce lien pour télécharger gratuitement "VICILISATION - La Chute", et surtout n'oubliez pas de donner votre avis.


vendredi 10 août 2012

Pannes électriques monstres : des éoliennes pour éviter le black-out civisationnel ?

Les échanges animés entre pros et anti-éoliens révèlent une certaine difficulté à changer d’échelle de raisonnement dans un monde où la production, les infrastructures et la distribution d’énergie ont toujours été conçus globalement et de manière industrielle. Mais les solutions énergétiques de demain doivent-elles forcément rimer avec "gigantisme", et s’inscrire dans cette même logique centralisatrice qui a prévalu dans les années 50 ?

Depuis l’après-guerre des programmes énergétiques massifs ont impliqué des chantiers et des investissements colossaux, afin d’atteindre le modèle actuel capable de délivrer en tout point du territoire des quantités croissantes d’électricité.

Depuis quelques décennies, les progrès technologiques et la nécessité de trouver d’autres sources d’énergie, ont aussi permis de dégager un certain nombre d’opportunités regroupées sous l’appellation d’énergies renouvelables au rang desquelles nous trouvons : l’énergie solaire, l’énergie éolienne, l’énergie des vagues (ou houlomotrice), l’hydroélectricité, l’énergie géothermique, l’énergie issue de la biomasse, peut-être celle des piles à combustible ou encore de l’énergie marémotrice.

Ces nouvelles sources d’énergie seront nécessaires pour faire face à l’explosion de notre demande, car d’ici à 2035, si rien ne change, la demande en électricité devrait doubler (Source Agence Internationale de l’énergie AIE).

D’ici à 2035, si rien ne change, un peu plus de 6 000 milliards de dollars devront être investis dans le monde dans les réseaux de distribution, et environ 5 000 milliards dans la production d’électricité afin d’éviter des ruptures qui pourraient être catastrophiques.

Les principales coupures de courant de ces dernières années, et plus récemment les pannes électriques monstres survenues en Inde, privant plus de 700 millions de personnes d’électricité durant des heures, sont assez symptomatiques de la surcharge non seulement des moyens de production, mais aussi des infrastructures de distribution qui ne parviennent plus à suivre l’explosion de la consommation.

Imaginez un seul instant, une bonne partie d’un pays de plus d’un milliard de personnes, suspendu dans son élan avec des mineurs bloqués au fond des mines, des personnes dans les ascenseurs, des centrales nucléaires que l’ont doit arrêter dans l’urgence, des trains bloqués en gare ou en rase campagne, des avions qui ne décollent plus, des embouteillages monstres, des climatisations en panne, l’eau qui ne monte plus en haut des tours, des call-center et des usines informatiques à l’arrêt, des approvisionnements qui n’arrivent pas à destination, des vivres qui se perdent… Un scénario catastrophe à peine concevable, et pourtant bien réel, conséquence d'une seule « petite » journée de black-out…

Scénarios d'évolution de la demande en énergie en 2035Et partout dans le monde, le même constat s’impose aux géants aux pieds d’argile : la demande en énergie continue d’exploser, et les trois scénarios prospectifs de l’AIE ne sont guère optimistes quant à un éventuel infléchissement de la consommation énergétique dans le futur.

Rappelons simplement qu’aujourd’hui les principaux moyens de produire de l’électricité dans le monde, sauf en France où nous avons fait d’autres choix (avec d’autres conséquences), sont le charbon et le pétrole, dont tout le monde sait qu’ils ne sont pas inépuisables et rejettent du Co2…

Dans ce contexte, les énergies dîtes « renouvelables » apparaissent comme une alternative pour réduire les émissions des gaz à effet de serre, même si l’AIE intègre dans le « renouvelable » les biocarburants et le nucléaire… Ce qui fait débat, on s’en douterait.

De manière plus générale (et pour tenter de changer d’échelle et de perspective justement...), nous pourrions facilement superposer les courbes de consommation d’énergie, avec celle de l’endettement des pays ou des ménages, celle du nombre de suicides, du chômage, des défaillances d'entreprises, des cancers, des tonnes de déchets produits par une famille, et des nombreuses autres conséquences de nos choix de vie... 

A bien y regarder (toujours de loin…), notre monde ne semble plus aller que dans un sens : celui de l’accélération exponentielle et celui de l’accroissement vertigineux des courbes vers un but connu d’elles seules. Nous sommes apparemment condamnés à vivre dans toujours plus de complexité, de pollution et de vitesse. Ce sont les principaux tribus à payer pour notre confort, et pour ce qu’il nous reste d’abondance, de progrès et de facilité.

Un état de grâce dont nous avons bénéficié durant plus d’un siècle, et dont les pays émergents, devenus à leur tour les plus grands pollueurs de la planète, veulent aussi profiter. Au nom de quoi pourrions-nous les en empêcher, alors que nous utilisons tous jours les gadgets qu’ils fabriquent à bas coût, sans nous soucier des conséquences à moyen et long terme ? 

Entrainés dans cette spirale infernale nous ne voulons, ou ne pouvons plus changer notre mode de vie qui offre encore quelques avantages auxquels nous nous accrochons. Alors nous préférons nous interroger sans fin sur les possibilités de maintenir cette gabegie, coûte que coûte, en utilisant les technologies qui se présentent ; plutôt qu’en nous demandant comment elles pourraient progressivement contribuer à réformer nos fonctionnements, et éviter le mur qui se dresse en face de nous…

L’éolien est assez emblématique de ce débat abscond, de cette incapacité à modifier les schémas et les conditionnements, tout en continuant à emprunter sans fin les mêmes chemins, la même dialectique, les mêmes arguments au service de visions souvent doctrinaires et passéistes.

Il y a de nombreux thèmes intéressants autour de l’éolien, mais celui qui pourrait illustrer plus précisément mon propos, concerne la capacité de production d’une éolienne :

Il faut savoir qu’une éolienne moderne peut désormais produire jusqu’à 6 MW/heure (Méga Watt). Ça c’est la théorie lorsque l’éolienne est à pleine charge, 24h/24h, avec un vent idéal toute l’année. Ce n’est évidemment jamais le cas, ce qui fait que les experts s’accordent à dire (après moultes palabres) que dans la pratique une éolienne a une charge annuelle de 20 à 25%, voire 30%, et produit entre 2 et 4 MW/heure.

Que m’on me pardonne mon imprécision, mais l’objet n’est vraiment pas de rentrer dans un débat de chiffres et de virgules avec des experts très compétents, à qui je laisse cet aspect si ça les amuse… Il faut simplement retenir que la technologie va en s’améliorant, que l’on parle de solutions à 10 MW pour le futur, ce qui ne paraît pas totalement délirant, vu que les premières éoliennes tournaient péniblement à 2 MW…

En creusant le sujet, j’ai découvert avec intérêt qu’il y a un (relatif) consensus sur le fait qu’une seule éolienne puisse alimenter grosso modo entre 800 et 1000 foyers selon son exposition et sa charge annuelle. L’abaque utilisé par certains experts est d’environ 1000 foyers par Méga Watt (sans que ce soit gravé dans le marbre…). 

C’est à la fois beaucoup, en termes de personnes, mais c’est aussi très peu au regard des gigantesques besoins électriques de nos agglomérations qui concentrent en France plus de 80% de la population sur moins de 20% du territoire. 

Les anti-éoliens démontrent ainsi très facilement qu’il faudrait des milliers d’éoliennes pour alimenter nos mégalopoles et que, à périmètre constant, cette solution miracle perd de son efficacité.

Effectivement, si nous conservons les mêmes lieux de vie, les mêmes concentrations urbaines, les mêmes niveaux de consommation, l’éolien représente une goutte d’eau dans l’océan en expansion de nos besoins. On parle de projets à plus de 15000 éoliennes géantes, importées à grands frais, défigurant les paysages, pour produire de manière aléatoire quelques Mégawatts supplémentaires... 

Mais c’est un peu comme si nous trouvions logique de reprocher à une Twingo de ne pas afficher les mêmes performances qu’une Formule 1… On perçoit bien que le débat est complètement faussé si le schéma consiste à se demander s'il serait possible de continuer à vivre dans notre confort, sans rien changer, en produisant autant d’électricité avec des éoliennes qu’avec des centrales…
Ce n’est pas envisageable, et ce n’est vraiment pas leur usage ni leur périmètre d'utilisation (me semble t-il).

C’est l’endroit où je décroche dans le débat sur l’éolien : je ne comprends pas pourquoi "personne" ne propose de progressivement alimenter des hameaux, des villages ou des bourgs, avec une ou plusieurs éoliennes ? L'éolien, couplé à d'autres sources d'énergie comme la méthanisation par exemple, peut progressivement apporter des solutions.  Une poignée de collectivités locales développent de tels projets mixant plusieurs sources avec comme objectifs l'autonomie énergétique et la création d'emplois comme à Montdidier, où 53% de l'électricité consommée provient des éoliennes municipales (2 800 clients particuliers, 300 clients professionnels et 6 400 habitants desservis).

Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer ce qui s’oppose (techniquement, légalement, financièrement…) à ce qu’une (ou plusieurs) éolienne(s) alimente(nt) directement 1000, 2000 ou 3000 habitants en complément d’autres sources (puisque l’éolien produit de manière intermittente) ? 

L’objet de cette démarche ne consiste pas à vouloir absolument apporter une solution globale, immédiate et centralisée à la production et à la distribution d’énergie, mais simplement de commencer à répondre localement, et de manière pragmatique, à des besoins qui peuvent désormais être couverts par de l’éolien puisque de nouvelles technologies existent et permettent un mix avec d’autres énergies.

Dans ce contexte, l’éolien pourrait être une des pièces du puzzle, sans être la panacée... mais il pourrait contribuer à amorcer un mouvement de réorganisation énergétique avec une vraie volonté politique pour favoriser des initiatives locales plutôt que la concentration.

Ainsi, plutôt que de maintenir une infrastructure énergétique centralisée autour de pôles nucléaires au centre d’un maillage de lignes haute tension, peut-être pourrions-nous progressivement développer une infrastructure décentralisée d’éoliennes desservant des lieux visant à l’autonomie énergétique ? Une sorte d’architecture distribuée proche du modèle internet, mais appliquée à l’énergie… L'autre avantage non négligeable de cette approche, c'est qu'en multipliant les lieux de production d'énergie, des emplois seront créés afin d'entretenir les infrastructures locales.

J’avoue humblement mon ignorance technique sur ce sujet qui me passionne en tant que citoyen, mais j’imagine bien une géographie progressivement redessinée dans laquelle des villages pourraient acquérir une certaine autonomie énergétique se couplant à une agriculture de proximité, et à des réductions dans notre manière de consommer. Additionnées les unes aux autres, les conséquences de ces initiatives sur nos émissions devraient être significatives et produire d'autres bénéfices au niveau des individus et surtout de leur qualité de vie. 

Mais pour l’instant, force est de constater que dans notre monde global, industriel et concentré, il faut encore la puissance cumulé du thermique et du nucléaire pour alimenter « la bête » à satiété. Notre politique énergétique actuelle n’est que la conséquence de nos modes de vie. On ne pourra pas réformer l’un sans changer l’autre : ainsi on ne peut pas prétendre améliorer les choses avec l'éolien si la démarche ne se couple pas avec un changement de mode de vie (et de consommation).

Au delà de cette approche, ce sont deux mondes qui s'affrontent: celui qui prétend que les solutions doivent être globales et centralisées depuis des bureaux quelque part à Bruxelles, et celui qui pense que les technologies peuvent désormais servir à développer des solutions locales à taille humaine et faible empreinte écologique. Cela n'exclut pas la concertation et la coordination au niveau européen ou national, mais permet surtout aux individus de se réapproprier des débats qu'ils ont abandonné depuis longtemps. Les énergies alternatives apparaissent comme un levier de transformation intéressant susceptible de nous éviter un black-out civisationnel.

mardi 5 juin 2012

Faut-il continuer à trouver des solutions, ou bien essayer de régler les problèmes ?

C’est le Wall Street journal qui l'écrit : “De nouveaux signes de ralentissement mondial obscurcissent les perspectives économiques”. Non, vraiment ?  « 100 millions d’Américains sans emplois » titrait tout aussi récemment Business Insider. Plus de 10% de chômeurs en France, hausse de 50% des fermetures d'usines, l’Espagne qui vacille, les USA sous assistance respiratoire de la FED, la Grèce en état de mort cérébrale, les signes d’une crise systémique incurable se multiplient. 


Pourtant, beaucoup semblent encore espèrer une « sortie par le haut », une sorte de solution globale, quasi-divine et miraculeuse qui serait le fruit d’un consensus entre des gouvernements européens, dont certains n’auront bientôt même plus de quoi payer les retraites et les aides sociales dans leur propre pays s'ils n'empruntent pas sur les marchés…

Au point où nous en sommes, il faudrait peut-être se demander si l’objectif consiste encore à trouver une énième solution, ou bien à définitivement régler les problèmes ? 

Car n’en doutons pas un seul instant, il se trouvera toujours de brillants esprits qui utiliseront leur précieuse intelligence pour concevoir de belles solutions complexes comprises d’eux seuls. Elles viendront s’empiler, sans retour arrière possible, sur des sparadraps techniques déjà conçus par d’autres esprits pointus. Ce faisant, le problème initial se complexifie, devient ingérable et n’est toujours pas résolu.

Joseph Tainter un chercheur américain, démontre dans son ouvrage la « Chute des sociétés complexes »  que les civilisations atteignant un certain degré de complexité ne peuvent que décliner, parce que tous les efforts pour maintenir leur stabilité entraînent un surcroît de complexité de plus en plus ingérable.

Car pour maintenir leur croissance, les sociétés doivent continuer à résoudre les problèmes à mesure qu’ils surviennent. Pourtant, chaque problème résolu signifie plus de complexité. Le succès temporaires de certaines "rustines" induit une population plus nombreuse, plus de spécialistes, plus de ressources à gérer, plus d’informations à traiter - et, in fine, moins de retour sur l’argent dépensé.

Tainter s’est aperçu qu’une complexité croissante entraîne des rendements décroissants. Par exemple, le supplément de nourriture produite par chaque heure supplémentaire de travail - les joules d’énergie investis pour cultiver un hectare - diminue à mesure que cet investissement s’accroît.

Au bout du compte, estime M. Tainter, on atteint un point où toutes les énergies et les ressources à la disposition d’une société sont nécessaires uniquement pour maintenir son niveau actuel de complexité. Puis, quand le climat change ou qu’arrivent des crises, les institutions proches du point de rupture s’effondrent et l’ordre civil avec elles. Ce qui émerge ensuite c’est une société moins complexe, organisée sur une plus petite échelle, ou qui est dirigée par un autre groupe (Tout comme dans le roman "Vicilisation - La Chute"...;-).

Le contexte qui s’impose à presque tous les gouvernements dans les anciens pays industrialisés est celui des rendements décroissants. 
Les plans d’aide, de sauvetage, les accords multilatéraux, les injections de cash  (
plus de 380 Milliards d'euros pour la Grèce !), les plans de rigueurs ne produisent plus aucun effet significatif sur les systèmes qui ont du mal à poursuivre indéfiniment leur apogée... 

Cette situation se caractérise par une croissance quasi nulle, artificiellement maintenue par la dette et les bidouillages statistiques, afin de ne surtout pas prononcer les mots tabous de « récession » ou de « décroissance ».

Que les gouvernements soient de gauche ou de droite, Démocrates ou Républicains, Travaillistes ou Conservateurs n’aura sans doute pas de grands impacts, car c’est le même problème structurel qui est à l’œuvre un peu partout dans le monde moderne. Les bannières politiques seront de peu d'utilité face à des systèmes et des organisations hors de contrôle, qui ne peuvent plus aller que dans un sens : celle d'une fuite en avant accélérée et d'une complexité croissante…

Les signes perçus dans notre quotidien nous confirment qu’il se passe quelque chose d’unique à l’échelle de nos vies, et d’absolument impensable pour les générations précédentes qui ont bénéficié des "30 glorieuses". Tellement impensable, que nous avons parfois du mal à réaliser ce qui se trame, et à mettre des mots pour matérialiser le problème dans sa globalité.

Si nous voulons surmonter cette crise, contre laquelle les schémas classiques sont inopérants, il faut sans doute changer de méthode et d’échelle, s'extraire de nos conditionnements et tenter d'explorer modestement de nouvelles pistes, armés de notre seule intuition et de notre bon sens...

C’est sans doute le principal enjeu auquel devra faire face une humanité libérée de certaines contraintes naturelles et poussée par le sentiment de son invincibilité : admettre sa propre finitude, et accepter de remettre en question les dogmes qui ont bercé les consciences avant qu'il ne soit trop tard...

Sources :

Les deux tomes de Vicilisation sont sur le podium des ventes chez Amazon !

 "La Chute" (Tome 1) et "Refondation" (Tome 2) sont classés dans le Top 3 des meilleures ventes sur Amazon. Les deux rom...